La garantie décennale est une assurance obligatoire pour tous les constructeurs du BTP. Elle couvre leur responsabilité vis-à-vis du maître d’ouvrage au cas où des formes précises de malfaçons seraient constatées sur l’ouvrage, à tel point que le propriétaire ne peut en disposer paisiblement. Elle a une durée de validité de 10 ans. La décennale comporte des spécificités que peu de personnes appréhendent véritablement. Quel est le sort de l’assurance décennale lorsque le propriétaire de l’ouvrage le vend avant les 10 ans durant lesquelles elle est valable ?
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Assurance décennale : pour qui et combien de temps ?
L’assurance décennale est une couverture obligatoire pour les constructeurs. Elle est valable pour une certaine durée et se caractérise par certaines spécificités.
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Les profils d’artisans concernés par la garantie décennale
Inspirée de la loi Spinetta du 4 janvier 1978, la garantie décennale est une assurance qui couvre les dommages et malfaçons résultant des travaux de construction réalisés par un constructeur. De façon concrète, elle s’applique aux vices, malfaçons et défauts de conformité, à certaines normes considérées obligatoires par la loi. Tout constructeur intervenant dans le cadre de travaux de construction neuve ou de rénovation doit alors souscrire une assurance décennale.
La notion de constructeur englobe toute personne ou entreprise liée au maître d’ouvrage par un contrat de louage, une convention ou un devis. Sont donc concernés, les artisans du bâtiment, les autoentrepreneurs y compris. La loi considère aussi comme constructeur, les entreprises du bâtiment, les ingénieurs, les architectes, les contrôleurs techniques et les bureaux d’études techniques. Les promoteurs immobiliers et maîtres d’œuvre appartiennent aussi à cette catégorie. N’ayant pas de lien direct avec le maître d’ouvrage, les sous-traitants ne sont pas liés par la garantie décennale.
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Certes, la garantie décennale protège le maître d’ouvrage des malfaçons et des dommages qui surviendraient consécutivement à la réception du chantier. Elle est aussi d’une grande utilité pour le constructeur. Effectivement, la réparation des dommages de nature décennale peut être très onéreuse pour la bourse du constructeur. En souscrivant une garantie décennale, il évite de devoir régler les réparations de nature décennale via sa trésorerie personnelle ou celle de son entreprise.
Combien de temps l’assurance décennale est-elle valable ?
Selon la page www.decennale.com, l’assurance décennale a une durée de validité de 10 ans, à compter de la date de réception de l’ouvrage par son commanditaire. Il importe alors d’insister sur le concept de réception, lequel matérialise le décompte des 10 années que couvre la garantie décennale. Lorsqu’il n’y a pas réception de l’ouvrage par son propriétaire, l’assurance décennale ne peut courir. C’est aussi le lieu de préciser qu’il y a une distinction entre les notions de réception et de livraison.
La réception de l’ouvrage a lieu entre le maître d’ouvrage et le constructeur. La livraison implique la présence des sous-traitants, qui en réalité ne sont pas liés au maître d’ouvrage. La réception signifie que le commanditaire de l’ouvrage l’accepte avec ou sans réserve. Prononcée de façon contradictoire, la réception peut-être à l’amiable ou judiciaire. En pratique, une réunion de réception est organisée entre les parties, et donne lieu à la rédaction d’un procès-verbal qu’elles signent.
Lorsque la réception n’est pas formellement organisée alors que l’ouvrage est en mesure d’être réceptionné, elle est considérée comme tacite. Dès lors, la garantie décennale peut être évoquée en cas de dommages de nature décennale, à partir du moment où le maître d’ouvrage a pris possession des lieux. L’assureur en décennale n’a pas d’obligation à financer les travaux de réparation, puisque la garantie décennale n’a pas été formellement actionnée.
Comment fonctionne l’assurance décennale si le bien est vendu avant 10 ans ?
Le sort de l’assurance décennale, dans l’hypothèse d’une vente du bien avant 10 ans, est une préoccupation tout à fait légitime. Il n’y a pas de quoi paniquer ou dramatiser si vous cédez ou achetez un bien pendant la décennie où l’assurance décennale adossée à ce bien court toujours. Effectivement, les 10 années que couvre la garantie décennale sont en pratique au profit du propriétaire de l’ouvrage, mais également des acquéreurs successifs.
Que ces derniers soient des particuliers, des promoteurs immobiliers, des sociétés civiles immobilières, ils peuvent donc se prévaloir légalement de la garantie décennale et réclamer réparation d’un dommage de nature décennale. Pour eux aussi, cette durée prend effet à partir de la date de réception de l’ouvrage par son propriétaire initial. C’est dire que la demande de financement en décennale peut émaner tant du maître d’ouvrage que des propriétaires successifs.
Même si une clause de l’acte de vente précisait la suppression de la garantie décennale en cas de malfaçon, elle ne saurait s’appliquer. La loi exclut toute hypothèse permettant au constructeur de réduire ou de supprimer ce délai de 10 ans au détriment d’un potentiel acquéreur. La loi estime que la garantie décennale se transmet systématiquement au profit des propriétaires successifs, jusqu’à expiration du délai de 10 ans (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 mars 2020, 18-22.983, publié au bulletin). Pour le Code civil, une telle clause est réputée « non écrite ».
Y a-t-il des exceptions à la règle de l’assurance décennale ?
La question des exceptions à la règle de l’assurance décennale doit être appréciée au cas par cas. Supposons que le bien soit vendu en raison d’un divorce ou du décès de son propriétaire. Si la vente a été effectuée dans le délai de 10 ans que couvre l’assurance décennale, le nouvel acquéreur peut toujours bénéficier de cette ouverture. Dans ce cas, il devra se tourner vers les héritiers du propriétaire initial, son conjoint survivant ou son assureur pour faire valoir ses droits en garantie décennale.
Il faut dire que le délai de 10 ans au cours duquel l’assurance décennale est valable peut être exceptionnellement interrompu dans les cas suivants :
- reconnaissance expresse de garantie décennale par l’assureur,
- assignation aux fins d’activation de la garantie décennale devant la mauvaise juridiction,
- assignation en référé ou au fond à l’encontre du constructeur.
Si en tant que propriétaire, avant de vendre votre bien, vous réalisez vous-même des travaux assimilables à des travaux de construction, la loi vous considère comme un vendeur « réputé constructeur ». Dès lors, vous êtes considéré comme responsable vis-à-vis des acquéreurs, ceci même au titre de la garantie décennale (article 1792 du Code civil).
Même en cas de faillite d’un constructeur ou de liquidation judiciaire d’une entreprise de construction, l’assurance décennale peut toujours être actionnée, tant que l’entreprise ou le constructeur était régulièrement couvert au moment de la réception du chantier.
L’assurance décennale ne peut être mise en œuvre dans les cas suivants :
- usure naturelle de l’ouvrage,
- usage anormal ou défaut d’entretien,
- fait intentionnel ou le vol du maître d’ouvrage ou du constructeur, etc.
La déchéance pour inobservation inexcusable des règles de l’art est aussi l’une des causes pour lesquelles l’assurance décennale ne peut être sollicitée.
Si des dommages surviennent dans le bien après sa vente, qui doit les payer ?
Considérant l’article 1792 du Code civil cité précédemment, des dommages de nature décennale qui surviendraient après la vente du bien sont à la charge du propriétaire cessionnaire. Vis-à-vis de l’acheteur, ce dernier est entièrement responsable des dommages couverts habituellement par la garantie décennale. Il doit donc s’en référer à son assureur en décennale, pour que l’acquéreur obtienne réparation des dommages constatés.
Avant l’ouverture du chantier, le propriétaire vendeur doit souscrire une assurance dommages-ouvrage à son bénéfice et à celui des propriétaires successifs, pour garantir le paiement des travaux de réparation relevant de la garantie décennale. C’est ce que dispose le Code des assurances en son article L.242-1.